Aux frontières de la seconde : explorer la perception temporelle et les facteurs d’influence, dont l’expertise et la modalité sensorielle

Résumé : 

La perception du temps est un processus essentiel à de nombreuses fonctions cognitives et motrices, et s’étend sur une large gamme de durées, allant des millisecondes à plusieurs années. Pourtant, les mécanismes cérébraux qui distinguent la perception temporelle à diverses magnitudes demeurent mal compris. Cette thèse explore l’hypothèse selon laquelle la perception temporelle de stimuli sous et au-delà de 1,2 s repose sur des mécanismes cérébraux distincts et dynamiques influencés par les caractéristiques sensorielles des stimuli et l’expertise musicale des individus. Plusieurs études ont démontré des mécanismes distincts entre ces deux durées, mais les résultats varient en raison de choix méthodologiques et de l’outil de neuroimagerie employé. S’appuyant sur un paradigme passif combiné avec des enregistrements d’électroencéphalographie, trois études ont été menées pour mieux comprendre comment le cerveau encode et discrimine des intervalles temporels sous et au-delà 1,2 s. L’étude 1 montre que le traitement d’intervalles temporels déviants inférieurs et supérieurs à une seconde en modalité auditive sont distincts. La déviance pour intervalles courts semble être traitée par des régions sensorielles, tandis que la déviance temporelle pour des intervalles plus longs est traitée par un réseau « cognitif » plus distribué. L’étude 2 révèle que la modalité sensorielle influence significativement le traitement de déviance temporelle pour des intervalles sous 1,2 s, venant appuyer les théories de traitement de l’information temporelle spécifique à la modalité pour cette durée. L’étude 3 montre que l’expertise musicale favorise davantage le recrutement d’aires associées aux processus cognitifs dans le traitement de déviance temporelle pour des intervalles sous et au-delà de 1,2 s. Ce résultat permet de mieux contextualiser les meilleures performances aux tâches de perception temporelle chez les musiciens. Dans l’ensemble, les résultats de cette thèse convergent vers l’idée que la perception du temps, et plus particulièrement de la déviance temporelle, repose sur des mécanismes distincts entre les durées sous et au-delà de 1,2 s. Ces mécanismes sont sensibles à la modalité sensorielle employée pour la présentation des stimuli et à l’expertise musicale. La complémentarité entre les modèles intrinsèques (reposant sur des réseaux sensoriels) et les modèles centralisés (mettant en jeu des réseaux cognitifs supra-modaux) est discutée à la lumière des résultats.

Biographie : Nicola Thibault est étudiant au doctorat Recherche et Intervention à l’Université Laval, sous la supervision de Simon Grondin et Philippe Albouy.